C’était pauvre mais propre
« Le premier à suivre l’exemple de papa a été son cousin Cléophas Tourigny qui, à quelques arpents d’ici, s’était bâti un petit campement en bois rond avec plancher équarri à la hache, éclairé de deux petits châssis d’une seule vitre de dix pouces carrés. J’y allais quelques fois avec mon père et je trouvais ce campement si triste que notre maison était un vrai cadeau comparé à la sienne. Notre maison avait de bons planchers que ma mère tenait bien blancs, quatre grands châssis et les murs blanchis à la chaux. C’était pauvre, mais c’était si propre que c’était joyeux. »
Le curé de Saint‑Valère en mission
« Lorsque j’avais 5 ou 6 ans, le curé de Saint‑Valère venait quelques fois l’été nous ’’faire une mission’’ chez Télesphore Martin de Saint‑Samuel. C’était déjà une amélioration, une espérance pour l’avenir, mais il y avait encore de quoi faire. Le terrain de l’église était couvert en grand bois debout si touffu et si long. Il y avait juste la largeur de passer en voiture où sont les chemins aujourd’hui, puis le bois se rejoignait au‑dessus de nos têtes comme une voute. Que c’était sombre. J’y pense souvent. Il fallait passer par‑dessus les ‘’rallongs’’et les racines avec souvent en été deux pieds d’eau et de boue pendant des arpents de long. C’était un miracle de pouvoir finir par passer. »
Les quatre saisons
« L’été était pour mes parents une saison d’activité avec toujours beaucoup d’ouvrage. L’hiver, c’était la solitude complète. L’automne et le printemps, impossible de sortir en raison du manque de chemins. »
La terre poussait en abondance
« Il fallait voir à tous les besoins pour la table et le vêtement qui était fait de laine et de lin. Pour la nourriture, mon grand‑père Charles Tourigny l’a fourni la première année ainsi que le fourrage pour le cheval et la vache. Dès le premier automne (1862), ma mère a récolté plus qu’il ne fallait pour l’année. Ma mère me disait souvent : ‘’La terre pousse en abondance.’’ Il y avait toujours du pain d'habitant sur la table et du lard au chaudron. Une vache ou deux donnaient le lait, le beurre et la crème. Chaque automne, il ne faut pas oublier que deux ou trois moutons pouvaient être abattus pour la viande, dont le suif était employé à faire des chandelles pour éclairer. Il fallait en user avec économie au risque d'en manquer et d'être obligé de veiller à la clarté de la petite porte du poêle. Pour le dessert en été, il y avait les fraises, framboises et bleuets. Maman en faisait des confitures pour l'hiver. De même, il y avait la mélasse. »
Une lampe miraculeuse
« Lorsque j'avais 7 ou 8 ans, grand‑mère Tourigny nous avait emporté une lampe avec un pied bleu. Quelle merveille que cette lampe brillante comme le soleil ! »
L’école à la maison
« Avec les années, la famille se multipliait : pas d'église qu’à de grandes distances, pas d’école dans la Paroisse. Maman nous montrait la lecture et le catéchisme tout en filant sa quenouille. »
Couvent de Saint‑Grégoire
« Alors âgée de 9 ans, il fallait songer à faire ma première communion. De plus, mes parents font le grand sacrifice de me mettre pensionnaire au couvent à Saint‑Grégoire. J'y suis resté pendant six ans. Dieu seul a pu compter les larmes amères que j'y ai versées. »
Source
En commençant par le 13 : Sainte‑Eulalie 1857‑2007 par Rosaire Lemay.