L’abbé Marquis
« À l’époque, l’abbé Calixte Marquis, curé de Saint‑Célestin, avait obtenu du gouvernement de faire tirer des lignes en pleine forêt afin de fonder de nouvelles paroisses. Il invitait les jeunes à venir s’établir à Sainte‑Eulalie. »
Nos voisins : les ours
« Sainte‑Eulalie, c’était à l’autre bout du monde, en pleine forêt, loin de la civilisation. Les chemins n’étaient qu’un tracé à travers le bois. Il fallait partir à pied de Saint‑Célestin, le sac de hardes et de provisions au dos, puis la hache et la carabine à la main par crainte de mauvaises rencontres, les ours étant alors nos voisins. »
Louis‑Joseph Papineau
« Mon père était fort, courageux et avait la réplique vive. Ses amis le surnommaient ‘’Papineau’’, nom d’un patriote qui faisait parler de lui par son courage et son énergie. C’était à l’époque du grand tribun Louis‑Joseph Papineau. »
Premières constructions
« Mon père était accompagné de son frère Olivier lors de son premier voyage à Sainte‑Eulalie. En arrivant, ils se mirent à abattre le bois et à préparer ce qu’il fallait pour les premières et rustiques constructions : une maison de 20 pieds carrés avec un abri pour un cheval, une vache et un peu de fourrage. »
Une épouse heureuse
« Quand mon père est venu à Saint‑Grégoire pour se marier, on plaignait le sort de cette jeune épouse qui s’en allait si loin où tout manquait. Cependant, ma mère m’a dit bien des fois qu’elle ne s’était jamais ennuyée et n’avait jamais eu de misère. »
Ma mère était peu instruite
« L’été, ma mère travaillait dehors toute la semaine à défricher et à semer avec son mari. L’hiver, elle filait la laine et le lin. Le dimanche, elle lisait des livres de prières ou d’école qu’elle avait gardés. Maman avait fréquenté l’école jusqu’à l’âge de 14 ans. Elle était peu instruite. »
Mon père aimait chanter
« Mon père avait été à l’école de l’inspecteur Plante. Il savait tous les chants d’Église et les cantiques d’autrefois. Il avait une assez belle voix et chantait toute la journée à mettre en fuite toutes les bêtes sauvages des bois. Il allait aussi à la chasse pour tuer quelques gibiers qui changeaient le menu de la table par un ragoût de perdrix. »
Attachement profond à Saint‑Grégoire
« Mes parents vivaient dans l’attente d’une église comme les Anciens dans l’attente du messie. Les premières années, ils allaient à la messe deux ou trois fois par année à Saint‑Grégoire, leur paroisse natale. Ils visitaient leurs parents et amis toujours si contents de se revoir après plusieurs mois d’absence, sans oublier de faire les achats indispensables pour six mois. Oui, ce n’était pas une petite fête à Saint‑Grégoire de voir arriver ces gens qui venaient de si loin et qui n’étaient pas morts de misère ni dévorés par les bêtes féroces. »
Rang des Tourigny
« L’exemple de mes parents a été suivi par les cousins de Saint‑Grégoire dont un grand nombre prirent le chemin de Sainte‑Eulalie. Voilà pourquoi on appelait le rang 13, le ‘’rang des Tourigny’’. Chez mes parents, il fallait se presser pour loger tous ces nouveaux arrivants qui étaient sans toit. Il fallait étendre des paillasses partout, en haut, en bas jusqu’à la grange pour les abriter tant bien que mal. »